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Pissarro à Éragny. La nature retrouvée

Ce n’est pas parce que Camille Pissarro (1830-1903) se fixe en 1884 à Éragny-sur-Epte, un village du Vexin français près de Gisors, qu’il se met brusquement à peindre la nature, la campagne et les travaux des champs. À cinquante-quatre ans, Pissarro a déjà montré son attirance pour ces thèmes et son talent novateur à les traiter à Louveciennes, Pontoise ou Auvers. Cependant, on peut dire qu’à Éragny, il renouvelle sa façon de peindre ses motifs agrestes récurrents par un travail sur le contraste des couleurs complémentaires (Soleil couchant, automne, Éragny ou La Cueillette des pommes, Éragny), le rapprochant du groupe néo-impressionniste mené par Seurat entre 1886 et 1894, ainsi que par une pratique de plus en plus soutenue de l’aquarelle, plus facile à réaliser et à vendre que ses grandes toiles. Même si Pissarro, en explorateur permanent des techniques picturales, y trouve aussi un grand intérêt artistique. Éragny rapproche également Pissarro de son idéal anarchiste sous la forme d’une communauté autonome et laborieuse, en l’occurrence essentiellement familiale dans cette propriété de l’Oise qu’il réussit à acheter en 1892 grâce à un prêt de Monet. On découvre d’ailleurs (en fac-similé) dans l’exposition les 28 illustrations que Pissarro créa pour l’album « Turpitudes sociales » ainsi que les nombreuses esquisses (dessins, gravures, lavis) qu’il réalisa pour « Les Travaux des champs », un livre publié à Londres en 1894. La capitale anglaise voit aussi l’ouverture de la maison d’édition de Lucien, le fils aîné de Pissarro, baptisée Eragny Press. Incessants échanges épistolaires entre le père et le fils au sujet des illustrations des livres édités. On sait que les cinq fils de Pissarro ont été peintres, peaufinant justement leur apprentissage auprès de leur père à Éragny. Dans la centaine d’œuvres exposées, on apprécie particulièrement toutes les nuances de couleurs et de lumières que Pissarro offre à ses paysages comme aux personnages occupés aux travaux des champs de ses toiles. « L’on pourrait dire qu’il peint avec de la lumière », écrira le critique d’art Gustave Geffroy, Octave Mirbeau ajoutant : « Plus qu’aucun autre, il aura été le peintre, vrai, du sol et de notre sol, de l’homme et de la bête, tels qu’ils vivent dans la nature. » Travailleur acharné, Pissarro s’est épanoui à Éragny, sa créativité ne l’abandonnant jamais. Cette exposition a le grand mérite de nous dévoiler les vingt dernières années de sa vie artistique, la plus méconnue mais pas la moins complexe de sa longue carrière.

Jean-Michel Masqué

 A voir aussi : « Pissarro, le premier des impressionnistes ». Musée Marmottan-Monet
Du 23 février au 2 juillet 2017 Lire l’article d’Elisabeth Hopkins.

 

Visuels : Camille Pissarro, Le jardin d’Eragny, 1898, huile sur toile, 73 x 92 cm, États-Unis, Washington, © National Gallery of Art, Washington, Ailsa Mellon Bruce Collection. Camille Pissarro, Le Bain de pieds, 1895, huile sur toile, 73 x 92 cm, États-Unis, The Art Institute of Chicago, A Millenium Gift of Sara Lee Corporation © The Art Institute of Chicago.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 16 mars au 9 juillet 2017
Musée du Luxembourg
19, rue Vaugirard, Paris (6e)
Du lundi au jeudi de 10h30 à 18h, du vendredi au dimanche de 10h30 à 19h (fermé le 1er mai)
Tarif plein : 12€
Tél. 01 40 13 62 00
www.museeduluxembourg.fr