Une beauté -presque trop- parfaite
En 1513, Raphaël a tout juste trente ans, est au sommet de son art, mais vit les sept dernières années de sa courte vie. Le propos de cette exposition présentée au Louvre débute à cette période, alors que l’artiste travaille depuis cinq ans à Rome, principalement aux décors des Chambres du palais du Vatican, des fresques monumentales dont l’exposition nous présente quelques dessins préparatoires et des photographies qu’on aurait souhaité plus grandes afin de mieux apprécier ces chefs-d’œuvre difficilement accessibles. Mais à cette époque, Raphaël peint aussi des retables représentant essentiellement la Vierge à l’enfant, et des portraits. Sa technique est à la pointe de son temps. Grand dessinateur, formé à la peinture à l’huile et à la fresque, il est l’un des premiers, en Italie centrale, à peindre à l’huile sur toile en même temps que sur bois. Ses préparations colorées sont novatrices et personne comme lui n’a peint les visages avec une telle douceur, une telle harmonie. Peut-être ses visages sont-ils même trop lisses et trop parfaits, manquant du tempérament plus exalté d’un Michel-Ange son principal rival, alors en charge de l’œuvre titanesque de la Chapelle Sixtine. Les Madones de Raphaël sont d’une incroyable délicatesse ; La Perla (musée du Prado à Madrid) en est l’un des plus beaux exemples. Ses portraits d’hommes sont tout aussi tendres. Le plus fameux est celui de son grand ami Baldassare Castiglione, représenté avec beaucoup de simplicité et d’empathie, un doux regard bleu magnifié par le velours noir du chapeau et du manteau à la fourrure gris taupe ; un tableau dont le Louvre va hélas se séparer en l’envoyant à Lens en 2013. Autre célèbre toile, l’Autoportrait avec Giulio Romano, l’assistant préféré de Raphaël dont il fit son héritier. Avec Gian Francesco Penni, Romano fait partie de l’atelier -que l’on sait pléthorique- que Raphaël mis en place pour faire face aux nombreuses commandes. Si quelques tableaux sont exclusivement attribués au maître, les assistants-élèves ont contribué à l’exécution de beaucoup d’autres, quand ils ne les ont pas entièrement réalisés, imitant le maître avec plus ou moins de bonheur, Romano étant certainement le meilleur de tous comme le montre sa Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean Baptiste, dite Petite Madone (Louvre) et aussi Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean Baptiste et sainte Elisabeth, dite la Petite Sainte Famille (Louvre).
Romano fait, par ailleurs, l’objet d’une exposition personnelle au Louvre (ainsi que Luca Penni, frère de Gian Francesco Penni le collaborateur de Raphaël), tandis que, dans le même temps, le musée Condé du Château de Chantilly (dont les œuvres ne sortent pas), met en lumière trois chefs-d’œuvre de Raphaël, des œuvres précoces influencées par son maître Pérugin : Les Trois Grâces (vers 1503-1504), La Madone de la maison d’Orléans (vers 1506) et La Madone de Lorette (vers 1510), peinture à rapprocher de la Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean Baptiste, dite La Vierge au diadème bleu (vers 1512-1520), présentée dans l’exposition du Louvre.
Le 6 avril 1520, le maître d’Urbino mourait brutalement à Rome à l’âge de trente-sept ans, d’une effervescence créatrice selon certains, d’un excès de « plaisirs amoureux » comme l’affirmait Vasari en 1550, ou plus vraisemblablement d’une forte fièvre, laissant un œuvre sans pathos, plein d’harmonie et de sérénité.
Catherine Rigollet
Visuel page expo : Raphaël (Urbino, 1483 – Rome, 1520). Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean Baptiste et sainte Élisabeth, dite La Perla, 1519-1520. Huile sur bois. H. 147,4 ; l. 116 cm. Madrid, Museo Nacional del Prado, P-301 © Museo nacional del Prado, Madrid.
Visuel page d’accueil : Raphaël. Autoportrait avec Giulio Romano (1519-1520). Huile sur toile. H. 99 x l 83cm. Paris, musée du Louvre, département des peintures.