Vous consultez une archive !

Zao Wou-Ki : l’espace est silence

Depuis l’éblouissante rétrospective à la Fondation Gianadda à Martigny (Suisse) fin 2015, on n’avait pas revu autant d’œuvres de Zao Wou-ki (1920-2013) réunies. En quatre grandes salles et une quarantaine d’œuvres, l’exposition que lui consacre le musée d’art moderne de la Ville de Paris prend le parti de privilégier les grandes compositions abstraites qui vont du milieu des années 1950 aux derniers grands tableaux. Elle entend montrer l’importante référence à la musique dans la peinture de Zao (Wou-Ki est son prénom), l’influence de la nature et la tentation de l’artiste de renouer avec certains traits de la peinture chinoise dont il s’était écarté volontairement à son arrivée à Paris, en 1948.

Si les reproductions des œuvres de Cézanne, Chagall, Matisse ou Picasso contemplées dans des livres, ont motivé son désir de venir en France découvrir la peinture occidentale et se confronter à ses modèles (auxquels il rendra hommage quelques années plus tard dans plusieurs toiles, dont l’Hommage à Matisse de 1986 et le magistral Hommage à Claude Monet en 1991), c’est sa fascination pour le langage des signes et les jeux de couleurs de Paul Klee qui le persuade de s’abstraire progressivement de la réalité, à partir des années 1950. Un travail sur le signe qui lui évoque bien évidemment la calligraphie apprise dans son enfance.
Sa rencontre avec Henri Michaux, en 1949, est également fondatrice. Plusieurs peintures dédiées au poète témoignent d’une amitié qui dura trente-cinq ans et de son influence sur l’œuvre du peintre, basée sur l’espace et la couleur, et la création d’un univers chargé de poésie.

Bonheur et malheur se mêlent dans l’œuvre de Zao Wou-Ki, qui a souvent cherché son chemin dans l’obscurité. Mais même teintées du brun de la nostalgie ou du deuil, comme après le décès prématuré de sa seconde épouse, May (En mémoire de May, 1972), ses toiles restent toutefois lumineuses, chargées de l’expression de la vie, pleines d’espoir. Gestuelle et lyrique, réalisée à l’horizontal, sur des toiles aux proportions parfois gigantesques ou sur des polyptyques, la peinture de Zao Wou-Ki n’est que jaillissements, vagues, bouillonnements, nous immergeant dans le mystère de paysages de l’esprit. Autant de symphonies chromatiques jouées par ce peintre qui aimait chanter.

Déroutant, il glisse parfois un microscopique élément figuratif dans une toile (Le vent pousse la mer, 2004), comme pour confirmer qu’il n’y a jamais de certitudes, et peut-être comme un regard en arrière sur sa période figurative des années 40-50. En utilisant l’encre de Chine (« son bien héréditaire » selon l’expression de son ami le poète Henri Michaux) au début des années 1970, il renoue avec ses origines chinoises. Mais comme dans ses grandes compositions, il y est, toujours et encore, question de la représentation de sentiments. Des paysages intérieurs que Zao Wou-ki nous offre, toujours sans titre, pour ne pas nous influencer. À chacun de laisser son imagination vagabonder.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 1er juin 2018 au 6 janvier 2019
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson 75116
Du mardi au dimanche
De 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Tarif plein : 12€
www.mam.paris.fr


Visuels :
 Zao Wou-Ki, Hommage à Claude Monet, février-juin 91. Triptyque, 1991. Huile sur toile. 194 x 483 cm. Collection particulière. Photo l’Agora des Arts.
 Zao Wou-Ki, Sans titre, 2006. Encre de Chine sur papier, 274,5 x 213,5 cm. Collection particulière. Photo Dennis Bouchard. Zao Wou-Ki © Adagp, Paris, 2018.
 Sidney Waintrob, Zao Wou-Ki dans son atelier de la rue Jonquoy en 1967, devant les peintures 29.09.64 et la première version de 21.09.64, 1967. Zao Wou-Ki © Adagp, Paris, 2018. Photo Sidney Waintrob, Budd Studio. © David Stekert, Budd Studio, 2018.