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Jean-Jacques Lequeu. Bâtisseur de fantasmes

Totalement méconnu, mais pourtant hors du commun ! Né à Rouen en 1757 dans une famille de menuisiers, talentueux dessinateur recommandé par ses professeurs, Jean-Jacques Lequeu devient architecte et travaille auprès de Jacques-Germain Soufflot sur le chantier de l’église Sainte-Geneviève (actuel Panthéon). Las ! Soufflot décède et la tourmente révolutionnaire finit d’anéantir les ambitions du jeune architecte. Aucun projet n’aboutit. Architecte sans chantier, devenu employé de bureau au Cadastre, Lequeu, va poursuivre en solitaire son rêve d’architecture... sur le papier, de manière obsessionnelle, croyant en son talent et ne désespérant jamais d’être un jour reconnu. On découvre aujourd’hui une partie de l’impressionnant corpus d’œuvres graphiques (souvent annotées) qu’il a laissé. Des centaines de dessins tous plus extravagants les uns que les autres.

Lequeu a-t-il compris que ses monuments ne seront jamais construits, il se fiche des contraintes techniques et crée sans brider son imagination et avec son immense talent de dessinateur : des grottes factices, des palais semblables à des tours de Babel (L’Île d’amour et repos de pêche), des kiosques chinois, des souterrains labyrinthiques, des arcs de triomphe... Entremêlant végétal, minéral et animal. Truffant chaque monument d’une richesse d’ornementation, références à la franc-maçonnerie, aux cérémonials grecs et égyptiens, à la mythologie ou aux récits bibliques. Il s’adonne aussi à l’art de l’autoportrait, cherchant à donner une image favorable de lui-même, et nous amuse avec ses portraits, comme sa curieuse série de têtes d’expression. La causticité n’est jamais loin chez cet artiste réputé ombrageux, qui livre par ailleurs avec jouissance ses fantasmes érotiques. Issus (selon certains) d’une frustration -ou pas- ils s’expriment sur le papier en objets phalliques et en corps féminins, certes inspirés de la statuaire antique, mais vus de manière très anatomique.
S’ils sont parfois intégrés à ses architectures comme cette femme nue allongée sous une voûte de pierre, libérant un oiseau ou cherchant à l’attraper ? (Il est libre, 1798-1799), ou cette nonne dévoilant ses seins (Et nous aussi nous serons mère ; car…), ils se font aussi sujets uniques dans des tableaux érotiques ; une série très personnelle qui clôt l’exposition de 150 dessins présentée au Petit Palais. Elle est réalisée avec le concours de la Bibliothèque nationale de France qui conserve la quasi-totalité des dessins de l’artiste, soit près de 800 pièces (projets architecturaux, études et croquis pour divers bâtiments, portraits, études de nu, dessins anatomiques, paysages, scènes de genre et représentations érotiques) légué par l’artiste en 1825. Quelques mois avant de disparaître en 1826, dans le dénuement et l’oubli.

Qu’aurait-il réellement construit s’il avait pu exercer son métier, se demande-t-on ?
Serait-on alors passé à côté de l’œuvre graphique d’un artiste utopiste et bouillonnant, un peu givré, mais tellement captivant ? Quoiqu’il en soit, Lequeu a enfin réussi son pari : être reconnu.

Catherine Rigollet

Visuels : Jean-Jacques Lequeu, Il est libre, 1798-1799, plume et lavis d’encre, BnF, département des estampes et de la photographie. Crédit BnF.
Jean-Jacques Lequeu, Rendez-vous de Bellevue, plume et lavis d’encre, BnF, département des estampes et de la photographie. Crédit BnF.
Jean-Jacques Lequeu, Le grand bailleur. BnF, département des estampes et de la photographie. Crédit BnF.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 décembre au 31 mars 2019
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston-Churchill – 75008
Du mardi au Dimanche, de 10h à 18h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h
Plein Tarif : 11 €
Tél. 01 53 43 40 00
Billet combiné avec l’exposition
Fernand Khnopff, le maître de l’énigme : 15€

 

www.petitpalais.paris.fr