L’homme de La Joconde n’était pas seulement un peintre exceptionnel de la Renaissance, c’était surtout un esprit en avance de plusieurs siècles sur son temps. Un visionneur.
Après Bruxelles, Bruges, Bordeaux et Lyon, le vaste atelier Grognard à Rueil (ancienne fabrique de plaques de cuivre, zinc et étain pour la gravure en taille douce et la photogravure construite en pleine époque Eiffel) accueille 90 reconstitutions des inventions de Léonard de Vinci : machines de guerre, ponts, structures mécaniques et engrenages, engins de levage, invention de la double-coque pour les bateaux, machines utilitaires liées à l’eau, machines liées à la mesure, mais aussi hélicoptère, parachute, charriot-voiture et même rôtissoire à poulet…(toutes en petit format), complétées de fac-similés de dessins et de notes. Et un amusant petit intrus : un vélo. Cette réalisation est tirée d’un dessin controversé découvert pendant les années 1960 en séparant deux feuillets du Codex Atlanticus qui avaient été collés. Le document est daté de 1493. Cependant, les spécialistes s’accordent à dire qu’il s’agit d’un dessin postérieur qui n’est pas de la main de Léonard. Toutefois, on trouve dans le Codex Madrid, un autre recueil de dessins de Léonard de Vinci qui nous est parvenu, la description d’une chaîne ressemblant en tous points à la chaîne de vélo figurant sur la bicyclette du Codex Atlanticus.
Toutes du même bois, les machines exposées ont été fabriquées durant trois ans par une équipe d’ingénieurs, historiens et menuisiers réunis autour du Belge Jean-Christophe Hubert. Cet historien d’art est parti des travaux de modélisation des machines de Vinci par la société IBM pour à son tour concevoir une exposition grand public à l’occasion des 500 ans de la mort de Vinci en 2019. Depuis, l’exposition voyage.
Imaginées à une époque où la recherche scientifique était l’égale de tous les arts, ces machines, souvent restées à l’état de notes, sont matérialisées dans un parcours mêlant science et histoire. Les pièces sont présentées en regard des croquis et des notes (fac-similés) à partir desquels elles ont été réalisées. Comme à son habitude, De Vinci a allié l’observation et l’étude minutieuse de ce qui existe ou a existé pour ensuite perfectionner et innover.
Mieux connu comme peintre qu’ingénieur, Léonard de Vinci a pourtant beaucoup écrit durant cette Renaissance où la recherche scientifique était l’égale de tous les arts. De Florence à Amboise, toute sa vie durant, ce génial curieux a étudié, disséqué, analysé, calculé, nous laissant des milliers de pages de notes et de dessins dans des carnets (connus sous le nom de Codex), de son écriture de gaucher qui écrivait de droite à gauche (déchiffrable donc seulement grâce à un miroir), sans ponctuation, dans un italien mêlé de dialecte lombard, avec une orthographe très personnelle. Cette exposition pédagogique, pensée pour être visitée en famille, permet de visualiser les machines de Léonard (certaines sont manipulables) et de mieux cerner l’étendue des talents du maître florentin.
Une visite qui vous donnera certainement envie d’en programmer une autre au Clos Lucé près d’Amboise (37), où Léonard de Vinci passa les trois dernières années de sa vie, de 1516 à 1519. On y découvre toutes les facettes de ce fils d’un notaire et d’une simple paysanne, né à Vinci en Toscane le 15 avril 1452, aussi talentueux peintre qu’ingénieux concepteur de machines de toutes sortes (dont certaines, recréées par IBM, sont présentées à taille réelle dans le parc), ou de spectacles de son et lumière…Comme cette grande fête du Paradis que Léonard offrit à François 1er, le 19 juin 1518 pour le remercier de l’avoir invité à finir ses jours en France.
Catherine Rigollet